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SDRP -> Pour aller plus loin

 

Sur cette page, vous trouverez des compléments d'informations sur :

  • La dimension expérimentale en mathématiques
  • Les problèmes de recherche
  • Les situations didactiques de recherche de problèmes

La dimension expérimentale en mathématiques

Texte repris de Gardes (2018)

Nulle part, le monde de la théorie et le monde de l’expérience ne sont séparés d’avance. (Gonseth, 1955)

La citation de Gonseth invite à discuter du caractère expérimental des mathématiques. Cette question a déjà fait l’objet de plusieurs études épistémologiques et didactiques, surtout ces dernières années (Bkouche (1982, 2008), Chevallard (1991), Dias (2008), Durand-Guerrier (2010), Gardes (2013), Giroud (2011) et Perrin (2007)). Nous explicitons ci-dessous plusieurs termes : expérimentation, démarche de type expérimental et dimension expérimentale.

Bkouche (1982) reconnaît un caractère expérimental aux mathématiques dans la mesure où elles relèvent des sciences expérimentales qu’il définit selon deux principes :

  1. d’une part, l’origine empirique des objets étudiés et des concepts ainsi mis en jeu ;
  2. la méthode (ou les méthodes) d’autre part, qui participe à la fois de l’observation empirique et du raisonnement rationnel. (Bkouche, 1982, p. 307)

Il ajoute que « c’est l’articulation de l’empirique et du rationnel qui constitue la science expérimentale » (Ibid. p. 307). D’un point de vue didactique, c’est cette articulation qui nous semble centrale et que nous allons mettre en évidence.

Illustrons d’abord le premier principe en étudiant la naissance d’un des premiers objets mathématiques : le nombre. La naissance du concept de nombre est liée à l’opération de compter. Selon Giusti, « dans un premier temps les objets à dénombrer ont été représentés par des signes, puis à ces signes des noms furent donnés, sans plus besoin de l’intermédiaire des signes. Chaque nombre est généré par la répétition d’un acte simple : tracer un signe » (Giusti, 2000, p. 46). Il précise que les Éléments d’Euclide conservent des traces de cette genèse dans ses définitions de l’unité et de nombre (Éléments, livre 7, déf. 1 et 2) :

L’unité est ce par quoi chacune des choses qui sont est dite une.

Le nombre est une multitude composée d’unités.

Pour Bkouche, « il y a un constat expérimental des propriétés de commutativité et d’associativité de l’addition et de la multiplication, constat qui précède les justifications théoriques et celles-ci naissent de la nécessité de validation générale de tels constats » (Bkouche, 1982, p. 317). Ainsi la classification des nombres et les opérations qui forment l’arithmétique élémentaire ont pour origine le donner empirique issu de la pratique du comptage. Ce qui fonde le caractère expérimental des mathématiques, c’est la manipulation des objets conformément à une théorie, manipulation rendue possible par la représentation sous forme symbolique des objets mathématiques. Ce premier principe est donc relatif à un mode de constitution empirique de certains objets mathématiques. D’un point de vue didactique, Durand-Guerrier caractérise cette activité mathématique spécifique par la mise en œuvre d’une dimension expérimentale qu’elle définit par « un va-et-vient entre un travail avec les objets que l’on essaye de définir […]  et l’élaboration […] d’une théorie, le plus souvent locale, visant à rendre compte des propriétés de ces objets » (Durand-Guerrier, 2010, p.1). Il s’agit donc d’une articulation entre expérience et théorie qui porte sur les objets mathématiques en jeu, c'est-à-dire des allers et retours entre des objets naturalisés et des objets en cours de conceptualisation. C’est ce qui caractérise la dimension expérimentale des mathématiques telle que nous l’utilisons.

Examinons le second principe fondamental d’une science expérimentale, qui, selon Bkouche (1982), réside dans sa (ou ses) méthode(s) qui doit participer à la fois de l’observation empirique et du raisonnement rationnel. Ce qui fonde le caractère expérimental d’une méthode est la définition et le rôle de l’expérimentation. C’est en effet elle qui est porteuse de l’articulation entre l’empirique et le théorique. Selon Bkouche (2008) et Chevallard (1991), l’expérimentation se distingue de l’expérience dans le sens où elle fait référence à une théorisation première pour justifier les questions que l’on se pose et pour ensuite construire un dispositif expérimental. Ainsi l’observation empirique ne se réduit pas à une simple constatation empirique, elle est une lecture de l’observation à travers une théorie. L’expérimentation s’appuie donc sur un double raisonnement, en amont pour élaborer une expérience pertinente et en aval pour la lecture des résultats. Son rôle est de vérifier l’adéquation entre la théorie et l’expérience dans le but de créer de nouveaux objets mathématiques. Perrin (2007) définit l’expérimentation en mathématiques comme « une méthode d’investigation systématique » qu’il n’hésite pas à « désigner sous le nom de méthode expérimentale » pour résoudre des problèmes mathématiques. Pour cet auteur, l’adéquation entre théorie et expérience se réalise dans un processus itératif composé de plusieurs étapes à renouveler éventuellement :

Expérience, observation de l’expérience, formulation de conjectures, tentative de preuve, contre-expérience, production éventuelle de contre-exemples, formulation de nouvelles conjectures, nouvelles tentative de preuve, etc. (Perrin 2007, p.10).

Dans cette description de « la méthode expérimentale », l’expérimentation (faire une expérience, observer l’expérience et en tirer des conclusions) s’articule avec des phases de formulation de conjectures et de tentative de preuves. Dias (2008) prolonge cette idée en pensant l’expérimentation comme un processus dialectique empirique/théorique qui n’a de sens que par ses articulations avec la formulation et la validation. L’échec d’une tentative de preuve peut amener à mieux tester la solidité de la conjecture née d’une expérimentation. Il peut conduire à modifier la conjecture, voire l’expérimentation elle-même et ainsi inciter à imaginer d’autres chemins de preuve. De même, l’expérimentation mise en place pour cerner une question mathématique, peut déboucher sur des résultats imprévus, surprenants, qui conduisent à des interrogations sur d’autres propriétés et sur de nouveaux domaines, sur de nouvelles conjectures et tentatives de preuves. Nous définissons alors une démarche de type expérimentale de résolution de problèmes par des va-et-vient constants entre la théorie et l’expérience se réalisant par des rétroactions de trois processus : expérimentation, formulation et validation.

L’aspect expérimental des mathématiques se fonde donc sur deux principes intrinsèquement liés. Le premier est l’existence d’un mode empirique de constitution de certains objets mathématiques. Le recours à cette dimension expérimentale entraîne alors le second principe : la mise en œuvre d’une démarche de type expérimental. D’un point de vue didactique, Durand-Guerrier met en évidence la richesse d’une activité mathématique reposant sur ces deux principes pour le processus de conceptualisation :

la multiplication des expériences, en appui sur des objets, des méthodes et des connaissances naturalisées pour le sujet, favorise l’élaboration de nouveaux objets conceptuels et de leurs propriétés, de résultats nouveaux et de leurs preuves, et contribue de manière essentielle au processus de conceptualisation (au sens de Vergnaud). (Durand-Guerrier, 2010, p.5)

Dans l’étude des allers et retours entre objets naturalisés et objets en cours de conceptualisation, dans Gardes (2013), nous avons mis l’accent sur les actions du sujet en introduisant la notion de « geste de la recherche».

Les gestes mettent en évidence le recours aux connaissances mathématiques disponibles et mobilisables, le rôle des objets mathématiques en jeu, les heuristiques développées, la complexité des raisonnements mis en œuvre et les origines et la nature des avancées de la recherche. (Gardes, 2013, p.188)

Ces travaux soutiennent l’hypothèse que la dimension expérimentale des mathématiques fournit un terrain propice pour travailler un autre aspect dialectique de l’activité mathématique, celui de l’articulation entre la mobilisation, l’acquisition de connaissances et le développement heuristiques.

Les problèmes de recherche

Texte adapté de Front (2015)

Rappelons tout d'abord la définition de Brun du problème :

Dans une perspective psychologique, un problème est généralement défini comme une situation initiale avec un but à atteindre, demandant à un sujet d'élaborer une suite d'actions ou d'opérations pour atteindre ce but. Il n'y a problème que dans un rapport sujet / situation, où la solution n'est pas disponible d'emblée, mais possible à construire. C'est dire aussi que le problème pour un sujet donné peut ne pas être un problème pour un autre sujet, en fonction de leur niveau de développement intellectuel par exemple. (Brun, 1990, p.2)

Cette première approche de la notion de problème est suffisamment générale pour qu'elle s'adapte à une classe bien plus vaste que celle des problèmes d'arithmétique à l'école primaire qui fait l'objet de l'article de Julo. Elle recoupe d'ailleurs les mêmes interrogations que celles de Hilbert lorsque celui-ci introduit les grands problèmes du XXe siècle :

[...] un problème mathématique doit être difficile, mais non pas inabordable, sinon il se rit de nos effort ; il doit au contraire être un véritable fil conducteur à travers les dédales du labyrinthe vers les vérités cachées, et nous récompenser de nos efforts par la joie que nous procure la découverte de la solution.

Que ce soient les problèmes non résolus qui se présentent à la communauté mathématique, ou les problèmes pour l'enseignement, un problème mathématique se doit d'être robuste et en même temps doit se laisser aborder, questionner, explorer. C'est bien entendu une caractéristiques que nous retiendrons et qui doit permettre à l'élève un engagement dans une interaction avec le milieu et la constatation de l'inefficacité des premières procédures envisagées. Bien entendu, ces définitions du problème mathématique renvoient explicitement aux sujets. La robustesse du problème est donc alors à considérer relativement aux connaissances des sujets et à l'activité qu'ils sont amenés à développer. Pour Perrin, c'est également dans l'activité engendrée par un problème mathématique que l'on retrouve des similitudes entre sujets qu'ils soient mathématiciens ou élèves :

Mon point de départ est le document d'accompagnement des programmes de mathématiques de l'école primaire, et précisément le paragraphe qui concerne les « problèmes pour chercher ». Je cite le document en question : (Il s'agit) de véritables problèmes de recherche, pour lesquels (les élèves) ne disposent pas de solution déjà éprouvée et pour lesquels plusieurs démarches de résolution sont possibles. C'est alors l'activité même de résolution de problème qui est privilégiée, dans le but de développer chez les élèves un comportement de recherche et des compétences d'ordre méthodologique : émettre des hypothèses et les tester, élaborer une solution originale et en éprouver la validité, argumenter. Je souscris tout à fait à cette vision de l'activité de recherche, qui est voisine de ma propre pratique, non seulement dans ma fonction de  chercheur, mais aussi, mais surtout, dans mon activité quotidienne d'enseignant. En particulier j'utilise systématiquement, pour résoudre des problèmes, une méthode que je n'hésite pas à qualifier d'expérimentale. J'appelle ici problème une question mathématique, en général ouverte, soit que je me la sois posée tout seul, soit qu'elle me l'ait été par un collègue ou un étudiant. (Perrin, 2007, p.7)

Pour Perrin c'est la dimension expérimentale de l'activité mathématique engendrée qui va également caractériser un problème mathématique. Mais il est à noter que pour certains mathématiciens, l'activité liée à un problème mathématique peut être autre. Des avancées mathématiques peuvent ainsi se concevoir dans un cadre formel et déductif.

Mais, dans la mesure ou nous ne considérons pas ici les problématiques formelles, par exemple de structuration des théories mathématiques, nous pouvons associer au terme problème un autre point de vue, celui des « objets à savoir » ou « objets d'étude » de Duchet. Pour Duchet, En mathématiques, « faire de la science » suppose la rencontre par le sujet d'un « objet de science », d'un domaine de réalité problématique faisant question, devenant objet d'étude, (Duchet et Mainguené, 2003, p.5) Duchet insiste sur la nature de cet objet de la recherche : il importe de noter que si l'objet de recherche est lié au « Savoir » qui en permet sa présentation et sa description, il ne peut se confondre avec lui : il n'est en effet objet de recherche qu'en tant qu'il est inconnu : l'objet de recherche est « objet à savoir », non « objet de savoir ». Cette expression d' « objet à savoir » pourrait paraître ambiguë. Il ne faut ainsi pas l'entendre au sens d'objet qu'il est indispensable de connaître comme « une leçon à savoir » mais bien comme un objet qui va faire l'objet d'une étude qui permettra potentiellement de le connaître.

Avec les restrictions que nous avons proposées, le problème tel que nous l'entendons se rapproche désormais de " l'exploration d'un objet à savoir ". Du point de vue épistémologique, c'est l'hypothèse que nous soutenons.

Attention, le problème tel que nous l'entendons va définir le projet commun, donner le sens de l'action. Bien entendu, il ne permet pas, en soi, les apprentissages pour tous. C'est la mise en œuvre de la situation qui doit s'assurer de ce point. Nous revenons dans une section connexe sur la mise en œuvre effective d'une Situation Didactique de Recherche de Problème, qui se doit de posséder des caractéristiques qui permettent l'évolution et le suivi de la relation des sujets aux objets et aux savoirs en jeu.

Les situations didactique de recherche de problèmes

Nous commençons par évoquer d'anciens dispositifs portés sur la résolution de problèmes ; nous présentons ensuite les SDRP puis nous expliquons comment les savoirs mathématiques émergent et comment les institutionnaliser. Pour finir nous abordons le rôle de l'enseignant lors de telles situations.

Texte adapté de Front (2015)

Version longue téléchargeable

 

1. Des dispositifs plus anciens portés par la résolution de problème en classe

(Polya, 1945, 1954), (Schoenfeld, 1985) placent la résolution de problème au coeur de l’activité mathématique. Dans cette conception la résolution de problèmes est le moyen d'une appropriation par les étudiants de certaines façons de faire expertes. La pratique de référence est celle des mathématiciens, vus comme des individus « disposant d'un ensemble large et structuré de ressources : savoirs mathématiques académiques (concepts et théorèmes), savoirs pratiques allant des algorithmes, routine procédures jusqu'aux heuristiques ou problem-solving strategies » (Gardes, 2013, p.54).

Dans ces propositions novatrices au XXe siècle sur l'approche des mathématiques en classe, l'accent est mis sur les heuristiques. De nombreux travaux se sont développés depuis sur cette approche. Le dispositif pensé à l'IREM de Lyon, (Arsac et al., 1991) et (Arsac et Mante, 2007) autour des problèmes ouverts met l’accent sur la pratique de résolution de problèmes. Les ateliers MATh.en.JEANS, (Duchet et Audin, 2009) visent à faire en sorte que les élèves deviennent eux-mêmes des chercheurs. Les situations de recherche pour la classe de Math-à-modeler, (Grenier et Payan, 2002), ont pour ambition « la résolution (au moins partielle) d'une question dont on ne connaît pas la réponse, et non l'apprentissage ou le travail d'une notion mathématique désignée » (Site internet de l'équipe, http://mathsamodeler.ujf-grenoble.fr/).

Il est à noter que les travaux prenant comme objet le développement d'heuristiques lui-même n'ont jamais fait leur preuve. Les travaux de Polya sur la logique du raisonnement plausible en mathématiques, ainsi que ceux de Lakatos sur « preuves et réfutations » ont mis au jour l'importance d'une approche s'écartant des lois de la logique déductive classique pour l'étude de la découverte en recherche de problèmes. Ils ont révélé le rôle de différentes formes de raisonnement, généralisations, particularisations et analogies et également le rôle des erreurs et des réfutations comme sources de découverte, les dialectiques, les notions de domaine de validité, la question de l'objet de connaissance. Ils ont ainsi ouvert la voie à l'étude de l'usage de la résolution de problèmes à l'école pour l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques. Toutefois, la méthode proposée par Polya n'a jamais fait ses preuves et ceci, parce que « nous savons trop peu de choses à propos de la manière dont les sujets utilisent les règles heuristiques et absolument rien à propos de la manière dont ils adaptent ces heuristiques à différentes sortes de problèmes. » (Kilpatrick, 1969).
Ainsi, En dehors du fait que rien ne permet d'étayer, ni théoriquement ni empiriquement, les fondements de cette approche, le risque de faire « de la résolution de problèmes pour la résolution de problèmes », indépendamment de toute finalité conceptuelle, est grand (Julo, 2002, p.4). Dès lors, dans la diversité des approches, il semble aujourd'hui premier d'interroger la place laissée à l'institutionnalisation des savoirs dans les dispositifs proposés.

2. Les situations didactiques de recherche de problème (SDRP)

Le terme « situation » renvoie ici de façon exacte à la théorie des situations didactiques. Ainsi les situations didactiques de recherche de problèmes sont :

- des situations didactiques, c'est-à-dire des situations où le maître cherche à faire dévolution à l'élève d'une situation adidactique qui provoque chez lui l'interaction la plus indépendante et la plus féconde possible. Pour cela, il communique ou s'abstient de communiquer, selon le cas, des informations, des questions, des méthodes d'apprentissages, des heuristiques, etc. L'enseignant est donc impliqué dans un jeu avec le système des interactions de l'élève avec les problèmes qu'il lui pose. (Brousseau, 1998, p.60)
- qui soient des situations d'apprentissage, c'est-à-dire des situations où l'élève fasse fonctionner ses connaissances et où la réponse initiale que l'élève envisage à la question posée doit seulement permettre de mettre en oeuvre une stratégie de base à l'aide de ses connaissances anciennes ; mais très vite, cette stratégie devrait se révéler suffisamment inefficace pour que l'élève soit obligé de faire des accommodations, c'est-à-dire des modifications de son système de connaissances, pour répondre à la situation proposée. (Brousseau, 1998, p.300)
- où le projet commun de l'enseignant et des élèves est avant tout l'engagement dans la résolution du problème proposé et l'élaboration de résultats au moins partiels, la genèse 7 de savoirs sur des objets mathématiques nouveaux,
- où la dimension expérimentale est fortement présente.

Ce qui particularise ces situations c'est l'entrée par le problème en tant que tel - le problème comme essence - et la construction de connaissance sur les objets en jeu.

3. Émergence et institutionnalisation des savoirs mathématiques en SDRP

Chacun d'entre nous perçoit les mathématiques en fonction de sa propre personnalité.
C'est choquant mais c'est vrai.

(Yves Meyer)

C'est en élaborant le jeu autour des savoirs que Brousseau a développé la théorie des situations. Dans ce cadre théorique, la démarche la plus usuelle pour construire une situation consiste à cibler un savoir donné par un énoncé mathématique, à rechercher un problème permettant de faire émerger ce savoir et de construire une situation redonnant du sens à ce savoir. Ici, nous envisageons une entrée dans le questionnement didactique en appui sur des problèmes qui ont été, en tant que tels, repérés comme porteurs de potentialités au sens où nous l'avons défini.


Pour (Conne, 1992, p.235), les savoirs sont liés à l’action. Conne caractérise la dialectique connaissance/savoir comme suit : 

Lorsque le sujet reconnaît le rôle actif d'une connaissance sur la situation, pour lui, le lien inducteur de la situation sur cette connaissance devient inversible, il sait. Une connaissance ainsi identifiée est un savoir, c'est une connaissance, utile, utilisable, dans ce sens qu'elle permet au sujet d'agir sur la représentation.

Dès lors, à la différence d'une situation que l'on pourrait penser construite autour d'un seul savoir, et qui envisagerait des mobilisations de connaissances plus restreintes, une SDRP va dévoluer de fait de nombreux savoirs, ceux du réseau de savoirs associé au problème. Au sens défini par Margolinas (2004), les branches didactiques potentielles se multiplient. Toutefois, dans une SDRP, ces savoirs sont associés à des processus potentiellement convergents et doivent pouvoir amener la structuration de savoirs communs qui pourront faire référence pour chacun.

Pour autant, il est notable que la mise en oeuvre de situations de recherche met en évidence les différences de conceptualisation, pointe la question des institutionnalisations et des difficultés potentielles de relations aux savoirs institués, difficultés qui restent trop souvent invisibles dans d'autres contextes. L'hypothèse que l'on peut faire est que les SDRP sont un des cadres les plus transparents pour mettre au jour ces différences au moment où elles se créent. Elles peuvent alors permettre l'identification et la confrontation de ces perceptions plurielles, l'institutionnalisation de savoirs communs, et, quand cela a du sens, un lien avec les savoirs institués.

4. Le rôle de l'enseignant

Nous ne nous plaçons pas ici à la frontière (connaissances, outils de l'individu) / (savoir d'une institution), dialectique encore très souvent retenue pour l'étude des systèmes didactiques,  mais bien dans l'épaisseur (connaissances, outils de l'individu) / (savoirs, prise de conscience de l'individu vers une culture commune). Ce jeu délicat fait intervenir un autre acteur, l'enseignant. Pour celui-ci, il s'agit de porter le projet didactique, de trouver les conditions satisfaisantes du processus de dévolution/institutionnalisation permettant la transformation du système de connaissances des élèves. Mais la posture est complexe entre sens, attribué par l'enseignant à la situation, sens que donnent les élèves à cette même situation et significations de l'objet d'étude dans la culture mathématique. Prendre comme point de vue celui des SDRP nécessite de tenter un équilibre : La question du rapport entre sens et signification renvoie à la question difficile de la compréhension par l'enseignant du processus de problématisation des élèves. Le sens que l’enseignant attribue à la situation est traversé de part en part par la signification finale de l'objet [...]. A partir de là, saisir, ne serait-ce que des bribes du sens construit en situation par l'élève, ne pas le confondre avec le sens que lui, enseignant, attribue à la situation, suppose une position d'ouverture qu'il doit faire tenir avec une position de fermeture interprétative des actions des élèves (interpréter celles-ci du point de vue de la signification finale). Et cette position d'ouverture suppose une suspension de l'intention d'enseigner : il ne s'agit plus d'interpréter le sens de ce que font ou disent les élèves en terme de distance à la signification visée, mais de tenter d'entendre ce sens pour lui-même c'est-à-dire d'y retrouver la logique de questionnement propre à l'élève.

Chacun construisant son propre sens par ses propres actions on ne peut que constater une divergence en situation. Pour autant tous ces sens cernent un même objet d'étude dont tous les élèves ont une expérience, certes personnelle, mais dans une culture globale et mathématique commune. Nous faisons l'hypothèse que la convergence des sens est possible, convergence qui permettra de renforcer cette culture. Et nous imaginons en SDRP que l'enseignant participe à, plus qu'il ne dirige, la construction de ce sens commun en veillant à la signification.